Elle avait marché toute la nuit, bousculant dans sa tête cette étrange nouvelle. Elle n'avait pas vu les lieues passer tant elle était préoccupée. Aussi, lorsque les premiers rayons de soleil lui firent plisser les yeux, elle fut étonnée de voir le bourg se dessiner à l'horizon.
Foix. Dernière ville de son périple.
Ici aussi, elle avait des gens à voir, à interroger, histoire de poursuivre l'air de rien sa petite enquête, qui avait fait grand bruit finalement. Et qui avait eu des conséquences inattendues. Certains conseillers étaient venus la trouver, pour la soutenir, lui confier
même leurs propres doutes, leurs craintes, lui témoigner respect et amitié.
Maintenant qu'elle avait décidé de quitter le Comté, elle se faisait de vrais amis. Des gens en qui elle avait enfin confiance. Et puis, ces deux hommes étranges rencontrés en taverne. L'un à Castres et l'autre à Castel, hier. Ce dernier lui avait parlé avec franchise, il semblait avoir lu en elle comme dans un livre. Il lui avait demandé d'attendre qu'il revienne avant de quitter le comté. Il lui avait dit qu'il avait besoin d'elle. Besoin d'elle?... Comment, qui, pouvait encore avoir besoin d'elle?... Qui plus est un marchand ambulant qui
l'avait contactée pour mettre ses biens à l'abri des brigands...?
Elle l'avait aidé, oui, mais voilà, c'en était fini. Pourquoi donc fallait-il qu'elle l'attende?...
Et puis cette lettre reçue en chemin. Son pigeon avait foncé sur elle, alors qu'elle marchait, les sourcils froncés, pensant encore à la demande du Coms...
Cette lettre, qu'elle avait dépliée, dans laquelle l'homme disait avoir vu en elle une femme détruite mais valeureuse...
Elle avait parcouru rapidement le courrier, avant de le fourrer dans son corsage. Plus tard.
Le Coms... Cet homme pernicieux, en qui elle n'avait aucune confiance, qui l'avait trahie, refusait même de reconnaitre sa traitrise. Cet homme qui était venu lui demander une faveur... Après l'avoir menacée de la destituer si elle n'acceptait le poste qu'il lui imposait! Oh elle avait gardé la tête haute, La Rouge, pas le moins du monde impressionnée par ce fanfaron à la couronne de pacotille. Elle l'avait regardé droit dans les yeux, articulant calmement: Mais je vous en prie, donnez-vous ce plaisir..., affichant son sourire fendu, imperturbable...
Et puis il avait cédé, bien sûr, il ne pouvait pas se passer de cette chieuse de procureur, pourtant pugnace et travailleuse. Il ne pouvait pas se passer d'un procureur tout court!
Et puis un soir, il avait demandé à la voir...
Etes-vous capable de garder un secret? avait-il dit, sans autre forme de salut.
Elle avait hésité à répondre. Parce que oui, elle préférait mourir que de trahir sa parole donnée. Mais à lui, donnerait-elle sa parole?...
Et puis il lui avait demandé de mettre sa fierté de côté.Il avait besoin d'elle, avait-il dit. Encore? Mais qu'avaient-ils tous?...
A mots couverts, il lui avait livré son dessein. Et puis le nom avait été lâché. Lamis...
Lamis...
Lamis...
Elle répétait ce nom, posant chacun de ses pas sur le chemin poussiéreux qui la menait à Foix.
La- pied gauche
-mis pied droit...
Elle souriait malgré elle, alors qu'elle plissait déjà les yeux sous le timide soleil de ce matin fuxéen.
Un soupir, elle arrêta sa marche, admirant la petite ville ensommeillée.
Bonjour Foix, je m'appelle Aldara. On me nomme La Rouge...
Sujet: Il était une fois dans la ville de Foix 
Ven 5 Sep - 12:40
