Entrée d'Arthur

J'suis dans la cuisine, à déchiffrer les vagues noires d'La Patronne quand on toque à la porte. Y'avait longtemps. J'roule l'parchemin avec soin, en tirant un peu la langue pour faire bien comme il faut, pis j'cale le rouleau dans mes braies.
J'cours jusqu'à la porte dans mes godillots trop grands, j'arrange vite fait mes boucles qui font gamin, j'tire sur ma ch'mise pour la défroisser, pis j'ouvre.
Y'a un m'ssieu à la porte. 'Fin, un m'ssieu, c'est beaucoup dire. Il pourrait être mon grand frère quoi. Mais en c'moment, c'est rare les m'ssieux dans la maison d'La Patronne, alors on va pas faire le difficile.
J'bombe un peu l'torse pour faire plus vieux, j'me râcle la gorge, pis j'récite:
Bien le bon jorn à vous Messire et bienvenu en la Rouge Maison. Dame Aldara est absente pour le moment mais si vous êtes de ses amis, elle sera ravie d'apprendre votre venue. Auriez-vous la gentillesse de me dire votre nom, que je vous annonce aux proches de ma maîtresse?

J'ai tout bien dit comme il faut, j'souris pis j'attends que l'grand frère s'présente.

Ouhlala... Arthur qui plante des genêts, duc de la lune en ville, la barre au rein qui court et seigneur des girolles... L'est rud'ment champêtre le bonhomme... Fillot d'La Patronne?! Ca m'fait un p'tit pinc'ment au coeur d'entendre ça... La Patronne, elle s'est choisie un fillot. Sûr qu'il en jette avec tous ses titres de fleurs et d'champignons. Moi, j'ai qu'ma p'tite feuille de chêne sur mon nom, ça fait pas l'poids...

J'claque des talons d'vant M'ssieu Champignon, j'm'efface un peu pour le laisser entrer. J'pense qu'il faut que j'l'amène au boudoir.
Alors, du bout d'mon nez, j'lui montre la porte toute rouge où c'qu'y a écrit "Boudoir".
Je pense que vous êtes attendu ici.