La pente est raide jusqu'au moulin, les deux femmes soufflent un peu, par saccades.
Aldara n'a pas lâché la main de la tavernière, heureuse de lui montrer son petit coin de paradis.
Dame je vous préviens, je viens juste d'acheter cette bâtisse. Elle est encore en l'état, il y a des sacs et des gravas un peu partout. Il vous faudra lever la jambe pour entrer, c'est ainsi...
La porte se dresse devant elles, un peu en biais, on aperçoit l'intérieur par les interstices du bois.
Aldara lâche enfin cette main amie, pousse la porte qui résiste, freinée par des gonds rouillés.
Le décor est fantasmatique: des toiles d'araignées luisent dans le soleil, blanchies par la farine, le vent s'engouffre dans la toiture croulante, sifflant et psalmodiant, un volet tape contre le mur alors que grincent les ailes au dehors. Pourtant Aldara est fière de son moulin. Elle se tourne vers la jeune femme, dont le regard erre un peu circonspect, se mord la lèvre, souriante:
Alors?...
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Elisa avait suivi Aldara, traversé le marché comme un disciple avec son maître. Elle avait bien conscience d'être une initiée à qui l'on dévoilait des secrets jalousement conservés jusqu'à lors.
Elle ne l'avait jamais vu ainsi d'ailleurs ce marché, le traversant toujours seule et pressée par l'urgence qu'il y a à se nourrir. C'est emplie de senteurs nouvelles qu'elle parvint, essoufflée, au haut de la côte.
Sa main lâchée, elle entra.
Alors? répèta-t-elle bêtement, ahurie par le spectacle qui s'offrait à elle.
C'est...étonnant, fascinant...si...étrange....sauvage. Si loin des faux semblants et de l'hypocrisie des Hommes..
Elisa se retourna et saisit Aldara par les épaules. Elle déposa sur sa joue un baiser.
Merci.
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Le baiser la surprend, elle ne s'y attendait pas.
Elle regarde la jeune femme qui semble aimer l'endroit, lui sourit, et sourit à l'endroit.
Je voulais le restaurer un peu mais... disons que... hum..
Elle baisse la tête, elle ne pensait pas avoir à lui parler si vite de cela.
Je vais... hum, je vais le détruire en fait. Je quitte Castelnaudary, dès que mes champs seront vendus.
Elle n'ose pas relever le nez, espère presque que la jeune femme n'a pas entendu.
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Elisa la regarda, surprise. Elle ne s'attendait pas à cela!
- Aldara... ce lieu, qui vous ressemble tellement...le détruire...oui, je comprends, je n'imagine personne d'autre que vous entre ces murs.
Elle regarda cette femme mystérieuse qu'elle connaissait à peine et avait l'impression, pourtant, de la connaître depuis longtemps. Magie des rencontres....
- Ainsi vous quittez Castel.
Elisa hésita, avant de se décider à lui faire, elle aussi, une confidence.
- Je pars aussi vous savez, le 23 Septembre certainement. Et...où allez-vous? J'espère qu'il s'agit d'un départ heureux.